Interview : ergonome, un expert de terrain au service de la santé de l'entreprise
Cela fait cinq ans que Cyril Marco, ergonome au SAT Durance Luberon (Service de Santé au Travail Interprofessionnel du Vaucluse), intervient au coeur des entreprises. Il analyse à la loupe l'organisation du travail afin de proposer des solutions sur mesure pour améliorer la santé de l'entreprise et de ses salariés. Discipline peu visible de la santé au travail, l'ergonomie a pourtant un rôle central dans la prévention des risques professionnels. Au service des employeurs et des travailleurs, Cyril nous en dit un peu plus sur son métier.
Qu’est-ce que l’ergonomie en santé au travail et en quoi consistent vos missions ?
L’ergonomie est avant tout une façon de penser l’organisation d’un système, d’un espace. C’est une démarche participative qui cherche à faire ressortir les points bloquants mais également les fonctionnements, stratégies, processus pérennes et opérationnels des activités pour prévenir les conditions de travail à risques et améliorer l’efficacité de l’entreprise. Pour cela, je passe du temps sur le terrain à observer et analyser les situations de travail, mais aussi à échanger avec les employeurs et les salariés. Je les aide à verbaliser leurs difficultés et leur propose des solutions adaptées aux postes de travail : aménagements organisationnels et/ou matériels. L’idée est donc de trouver le meilleur compromis entre confort, sécurité, santé et efficacité.
À quel moment intervenez-vous en entreprise ?
Je peux intervenir en entreprise à la demande des médecins du travail suite à la visite médicale d’un salarié qui rencontre des difficultés liées à son poste ou de plusieurs salariés de la même entreprise qui font remonter des problèmes communs. Je peux également intervenir à la demande des entreprises adhérentes au SAT Durance Luberon lorsqu’ils souhaitent être accompagnés dans leurs projets de développement d’activité, de conception d’espace ou de réaménagement de locaux.
Par exemple, quels sont les étapes pour réaménager un poste de travail ?
Ça dépend du lien avec l’entreprise et de la demande initiale puisque chaque intervention est un nouveau défi : comprendre le besoin du médecin, de l’entreprise, des salariés et adapter son approche en fonction. Mais globalement, le réaménagement d’un poste de travail se fait en 3 étapes. Premièrement, je contacte l’entreprise par téléphone pour mieux cerner la demande. Je cherche toujours à la reformuler pour me l’approprier, connaître le « travail prescrit ». Ensuite, je me rends sur place, en présence du salarié dont le poste doit être réaménagé, pour observer ses moindres gestes, comprendre comment il pense son travail, ce qui constitue son « travail réel ». Je lui pose des questions simples pour chercher à connaître ses habitudes et relever ce qui le met en difficulté ou ce qui lui pose problème. Cela peut-être une table trop haute, une chaise mal réglée, une surexposition à la lumière, un accès perturbé à une machine dont il ne se rend pas forcément compte… Je prends des notes et dresse un diagnostic complet de la situation réelle. Puis, j’apporte des conseils sur l’utilisation du matériel disponible et préconise des modifications de l’organisation du travail, avec éventuellement l’acquisition d’outils plus adaptés.
Quel lien entretenez-vous avec les autres professionnels de santé de votre Service ?
Je travaille principalement avec les médecins du travail sur l’accompagnement à la prévention auprès des entreprises et des salariés. Par ailleurs, depuis quelques années, je réalise de plus en plus d’ateliers de sensibilisation sur le « Travail sur écrans » avec les infirmières de santé au travail. Je travaille également sur le maintien dans l’emploi de salariés en situation de handicap, aux côtés d’AMS (Assistantes Médico-sociales), d’une assistante sociale de la Carsat et de chargés de mission de l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés) du Vaucluse. Une cellule « maintien dans l’emploi » est organisée tous les 2 mois pour travailler en équipe sur les dossiers des salariés concernés. Mes missions sont extrêmement variées et je gravite sur les 3 centres du SAT Durance Luberon à Cavaillon, Apt et Pertuis.
Les Risques Psycho-Sociaux (RSP) sont-ils aussi pris en compte par les ergonomes ?
Les RPS font partie du Plan Santé Travail du Ministère du Travail. Sur ces questions, les ergonomes et les psychologues du travail travaillent le plus souvent main dans la main pour apporter une réponse complète à nos adhérents. Les ergonomes sont donc amenés à travailler de plus en plus sur les RPS et à sensibiliser et intervenir sur ce sujet en entreprise. Les réseaux nationaux et régionaux des ergonomes permettent de décloisonner notre profession et d’échanger régulièrement sur les pratiques et les expériences professionnelles de chacun. Globalement, en pointant les dysfonctionnements au sein de l’entreprise, l’ergonomie vise à optimiser l’organisation et donc touche à l’amélioration de la qualité de vie au travail : facilité d’exécution des tâches, bien être au poste de travail, réduction de la charge mentale… Les différents travaux sur les RPS sont très intéressants à développer au sein des Services de Santé au Travail.
Quels sont les difficultés que vous pouvez rencontrer dans votre travail ?
Lorsque l’on touche au plus profond de l’organisation de l’entreprise, cela n’est pas forcément bien perçu et on peut se heurter au dirigeant de l’entreprise qui se sent jugé et/ou est frileux à l’idée de revoir l’organisation en place. Cependant, il est bon de rappeler que l’ergonome n’a pas un rôle de contrôle mais bien de soutien. Il est là pour accompagner le changement dans l’entreprise.
Le réseau des ergonomes des SIST Paca-Corse
Depuis 2008, les ergonomes travaillant au sein des Services de Santé au Travail Paca-Corse se sont organisés en réseau. Ils se rencontrent régulièrement afin d'échanger sur leurs pratiques.
Consultez notre page dédiée au réseau des ergonomes